GR® de Pays : Tour du Tanargue
David Genestal

Partage d'expérience

David Genestal, auteur du blog Carnets de Rando, partage les récits de ses randonnées à travers la France. En mai 2025, il s’est rendu en Cévennes d’Ardèche pour partir à l’aventure du GR® de Pays Tour du Tanargue. En voici son retour d’expérience.

Se frotter au Tanargue c’est se confronter à un mythe puissant ici en Ardèche. Le Tanargue est une Olympe, un colosse vénéré et redouté pour ses orages, une présence immense et forte dressée au-dessus de la vallée de la Beaume. Sa légende et sa puissance évocatrice dépassent les frontières de la montagne ardéchoise et me sont parvenues, attisant ma curiosité et mon envie. Je me suis donc engagé dans l’aventure comme un chevalier en croisade. Quatre jours et 62 kilomètres permettent aux braves d’approcher le Tanargue à l’occasion d’un tour aussi sportif que panoramique. Une belle aventure qui se paie par l’effort mais immensément gratifiante. En voici un récit, naturellement enthousiaste, à usage des prochain(e)s candidat(e)s qui voudront répondre au défi.

JOUR 1 : DE LARGENTIÈRE AU PONT DU GUA

Difficulté : difficile | Distance : 12,5 km | Durée : 4h45 | Dénivelé : +705m/-630m

Le Val de Ligne m’ouvre ses portes pour le départ de ce Tour du Tanargue. Un bus m’a déposé, hier, à Largentière, village dont le nom s’auréole de la gloire de l’exploitation de mines de plomb argentifère. Un héritage qui se distingue dans le charme coquet des petites rues de son centre médiéval, entre venelles, placettes et anciennes portes fortifiées. Mais ce sont les larges marches de l’escalier de la Montée Mazon qui me mettent finalement sur la bonne voie. Succédant rapidement au goudron d’une petite route, un ancien sentier muletier donne le ton de mon périple.

Comme souvent en Ardèche, le terrain se fait conteur, ressuscitant le passé à travers un patrimoine soigneusement entretenu. Marcher sur ces calades bordées de pierres sèches et généreusement fleuries au printemps est la plus belle leçon d’histoire qui puisse être enseignée.

Je rejoins ainsi Bas Laval et les coteaux viticoles de Sanilhac. Ce sera l’un des derniers bastions habités de l’étape. En s’enfonçant parmi les résineux qui coiffent la colline de Gratte-Loup, le GR® de Pays fait le choix volontaire de l’isolement. À l’exception de la poignée de bâtisses composant le lieu-dit les Combes, tout ne sera plus désormais qu’un corps-à-corps avec la Nature farouche des Cévennes d’Ardèche.

Imperceptiblement l’altitude croit. Je m’élève ainsi graduellement dans le secret de sous-bois de chênes jusqu’à atteindre l’esplanade de la Tour de Brison. C’est un lieu d’ouverture marqué par la rencontre avec le Tanargue et le Vivarais. Ici plus rien ne retient l’horizon qui s’échappe dans un panoramique vertigineux, du Mont Lozère jusqu’aux lointains reliefs gardois. Une tour robuste de 50 mètres de haut y est dressée.

La Tour de Brison

On raconte que le Diable en personne, en représailles d’un affront du seigneur de Brison, ébranla jadis la tour d’un éclair et en emporte depuis une pierre chaque 31 décembre. Lorsqu’il n’en restera plus une seule, alors ce sera la fin du monde.

Je tourne le dos à la prophétie, plongeant dans une étroite brèche ouverte dans la lèvre de pierre qui sert de socle à l’édifice. Le versant nord, âpre et rocheux, s’offre à moi dans toute sa séduisante sauvagerie. Certain(e)s disent que le passage est difficile et impressionnant. Je le trouve excitant. Une union contre nature de schiste brut et de genêts qui dégringole en roue libre vers le Collet de Berle.

J’y retrouve un sentier plus confortable qui bifurque plein ouest en direction de la vallée de la Beaume. Un répit avant que le rocher reparte dans une dernière représentation. Impossible de demeurer insensible à l’apparence rude, mais follement attirante, de ces saillies de schiste qui semblent opposer une résistance enthousiaste à la marche.

Puis les chênes sont à nouveau là, courts sur pattes mais aux formes gracieuses de ballerines, qui me déroulent le tapis rouge jusqu’au Pont du Gua. C’est l’heure de la rencontre avec la rivière, élégamment enjambée par une magnifique arche de pierre qui se reflète à la surface de l’eau. Une vision fraîche qui signe d’un point final cette première étape réjouissante du Tour du Tanargue.

JOUR 2 : DU PONT DU GUA À LOUBARESSE

Difficulté : assez difficile | Distance : 16,2 km | Durée : 5h45 | Dénivelé : +1100m/-155m

Debout les campeurs et haut les coeurs ! La deuxième journée du Tour du Tanargue s’aborde comme l’une de ces étapes de montagne hautement stratégiques du Tour de France qu’il faut savoir négocier. À la fois redoutée et secrètement attendue. Une (petite) épreuve de force en quelque sorte.

Il n’y a guère de place pour l’échauffement : les lacets d’un nouveau chemin muletier convoquent rapidement l’effort au menu de la journée tandis que l’itinéraire s’élève au- dessus de la vallée de la Beaume. À l’instar de Bas Laval hier, le Fraysse dévoile plus haut ses habituations trapues de pierre grise derrière lesquelles se referme la porte de la civilisation.

Au-delà je suis à nouveau seul avec l’Ardèche, le parfum musqué de ses genêts, le chant guilleret de ses fauvettes, le frémissement du vent dans ses chênes. Un plaisir coupable de solitude. Je franchis, toujours plus haut, le col du Cayras sans avoir encore croisé l’ombre d’un être humain. Brutalement le sentier, jusqu’alors étroit, se déverse alors dans une large DFCI comme un affluent dans une rivière. Me voilà happé par le courant de ce pur produit des hommes prolongé sur des kilomètres comme un rempart contre les incendies. J’y crains d’y être gagné malgré moi par une forme de monotonie.

Une inquiétude rapidement dissipée par les formidables ouvertures paysagères ouvrant vers le sud dans un infini de creux et de vagues de sous-bois qui, formant autant de vallées, s’en vont lécher les contreforts du Mont Lozère.

Une vue imprenable qui nourrit en permanence la marche.

Ce large couloir n’est, de surcroit, pas avare en points hauts sur lesquels se hisser pour amplifier encore davantage cette grisante sensation. Le sommet de l’Abitarelle est l’un d’eux, accessible hors sentier par une trace vaguement foulée du pied qui délivre, à terme, une récompense visuelle gratifiante. Celui des Moles en est un autre qui, lui,
permet une confrontation avec le versant nord et le Tanargue, désormais plus proche et presque à portée de bras, de l’autre côté de la haute vallée de la Beaume. Je contemple le sommet de Méjean, lancé au-dessus du village clairsemé de Valgorge, en me disant que j’y serai dès demain.

Puis je redescends de mon perchoir pour reprendre mon histoire avec le dénivelé là où je l’avais interrompue. Il est temps maintenant de faire mon entrée dans la Forêt Domaniale de Prataubérat, dernier chapitre de cette étape fleuve qui semble ne jamais vouloir cesser de monter. Constante et régulière. Un tremplin vers Loubaresse, petit hameau déposé à plus de 1000 mètres d’altitude, au débouché de l’orée des pins, dans un décor de prés de fauche et de pentes à genêts.

Jadis montaient ici les muletiers apportant le vin de la vallée dans les confins reculés de l’Ardèche.

Au point de faire de Loubaresse un village de muletiers dont on honore toujours aujourd’hui le souvenir et dont le nom est la transcription d’un sobriquet donné en patois à ces marchands nomades qui buvait le précieux vin à même l’outre qu’ils perçaient.

Les marcheurs modernes ont eux troqué le mulet contre des sacs à dos. Point de fête pour eux mais le sourire des locaux et une tradition de l’hospitalité qui perdure à travers deux hébergements de qualité.

JOUR 3 : DE LOUBARESSE AU GÎTE DU JAL

Difficulté : difficile | Distance : 23,5 km | Durée : 7h15 | Dénivelé : +585m/-1260m

C’est le grand jour ! Celui du Tanargue. La troisième étape est celle dans laquelle s’incarne l’esprit de cette itinérance ardéchoise. Fini de tourner autour du pot : aujourd’hui je vais me frotter à celui que je n’ai fait que caresser du regard et qui a donné son nom à ma boucle.

Le mot Tanargue résonne comme un coup de tonnerre. Rien d’étonnant à cela quand on porte le nom dérivé de Taranis, le dieu celte de l’orage, qui terrorise les hommes et les bêtes depuis des siècles en frappant le sommet de sa colère divine. Le Tanargue s’aborde avec humilité, comme un colosse qu’on espère adoucir par un peu de discrétion. Ce jour-là la montagne n’est pas en colère. Taranis sommeille mais Éole, en revanche, se déchaine.

J’ai passé le col de Meyrand puis progressé sous la protection de la forêt. C’est en faisant un pas de côté vers le Ron de Coucouludes que je me heurte à la réalité de la météo du jour : un vent de tempête, brutal et saccadé, ébouriffe le Tanargue. Il est loin d’être calmé lorsque je fais mon entrée sur les pelouses sommitales du Méjean où plus aucun obstacle n’est en mesure de freiner les ruades folles. Même sous le soleil, le Tanargue bombe le torse, déterminé à afficher sa puissance. Là-haut les éléments règnent en maître. Le marcheur que je suis n’est qu’un frêle fêtu de paille balloté par les caprices du vent. Je me plie sans résistance à cette volonté.

David Genestal

"Le caractère alpin et spectaculaire du Tanargue m’évoque le Caroux dans l’Hérault.

J’y retrouve ce goût pour les grands espaces d’un plateau sommital et ces effondrements minéraux béants plongeant vers la vallée, plusieurs centaines de mètres en-dessous.”

Au-delà du Méjean, l’immersion se prolonge dans l’ondulation verdoyante de prairies arrondies qui ouvrent loin, très loin, sur les confins de l’Ardèche du nord. Si c’est la silhouette abrupte du Rocher d’Abraham qui domine, le regard averti ne manquera pas celle, plus distante, du Mont Gerbier des Joncs qui s’arrondit sur l’horizon.

Puis le chemin se fait plus large, étiré comme un long ruban au fil des points hauts qui constellent le Tanargue. Une trace nette qui définit le cheminement et épouse le massif avant de s’évanouir derrière le col de Sucheyre. La part du paysage, son ouverture indécente, compense l’absence de surprise de ce cheminement ancré dans la DFCI. Il faudra attendre d’avoir dépassé le Mont Aigu et rejoint le col du Merle pour lui dire définitivement adieu.

L’Ardèche sauvage et sportive guette, patiente, au coin du sentier : c’est l’ascension surprise vers le Cham du Cros, un segment de pente et de roche qui surprendra qui aura prématurément baissé sa garde. Le Tanargue assène ici un dernier coup, mais tout en beauté. Comme une porte de sortie à cette étape dense, l’Ardèche Méridionale se dévoile comme une immense couverture tirée au pied de la montagne. Tandis que je glisse par un sentier joueur filant entre ciel et terre par les belles prairies du Cham du Cros, le sentiment du devoir accompli me saisit.

Je retrouve une calade zigzaguante plus bas qui, plongeant sous les châtaigniers, m’entraine dans une descente infernale jusqu’au Vernet. Le Gîte du Jal sonne comme un soulagement, le trophée mérité d’une épopée à travers le Tanargue où goûter, enfin, un repos bien mérité.

JOUR 4 : DU GITE DU JAL À LARGENTIÈRE

Difficulté : assez facile | Distance : 11,5 km | Durée : 3h20 | Dénivelé : +190m/-520m

La dernière étape est un atterrissage. Une transition en douceur entre la spectaculaire rudesse du Tanargue et l’Ardèche du bas, animée, habitée et foisonnante de végétation.

J’y retrouve une nature luxuriante, fleurie de mille couleurs et animée d’une pulsion de vie qui la fait se déployer avec exubérance. C’est le retour sur des sentiers en sous-bois appréciés et qui s’emploient habilement à contourner aussi souvent que possible le monde des hommes. Malgré la présence à nouveau marquée de l’habitat humain, le goudron reste ainsi sensiblement une exception.

Joannas se rejoint et se quitte ainsi par des chemins de traverse soigneusement camouflés. Ces ultimes kilomètres se font bucoliques, abandonnant derrière eux la rudesse du Tanargue et l’âpreté de l’effort qu’il exigeait. Au passage de la Croix du Roure, alors que je jette un dernier regard vers le Cham du Cros déjà distant, je ressens comme un relâchement, une tension musculaire qui reflue.

Le Val de Ligne est là qui m’accueille à nouveau. Un retour à la civilisation qui contraste avec le souvenir encore intense d’un Tanargue battu par les vents où le marcheur cultive sa solitude. Les faubourgs de Largentière sont atteints au terme d’une inattendue voie muletière accrochée au-dessus de la route et de la Ligne. Une surprise de dernière minute. Ce Tour du Tanargue en a décidément plus d’une dans sa poche !

En vidéo !
GR® de Pays : Tour du Tanargue
Raphaël Pellet – Cévennes d'Ardèche

Préparez votre itinérance

Pour vous aider dans la préparation de votre itinérance, étapes, hébergements… Consultez notre tout nouveau guide !

Acheter la Topocarte

Célia

À propos de Célia

Originaire de Gravières, j’ai grandi au pied du Serre-de-Barre, considérant le Nassier, la Pontière ou le Pont de Gravières presque comme une extension naturelle de mon jardin !

Depuis début 2025, j’ai rejoint l’Office de Tourisme avec une mission évidente : explorer les villages, les paysages, la faune et la flore… mais surtout partir à la rencontre de celles et ceux qui donnent vie à notre territoire – habitants, artisans, producteurs passionnés. Entre dégustations gourmandes, chemins parfois inattendus et découvertes insolites, mon objectif est de mettre en lumière toute la richesse de notre belle région.

À travers mes aventures et mes récits – parfois épiques, toujours passionnés –, j’espère transmettre mon amour pour les Cévennes d’Ardèche, donner envie de les explorer autrement…

Ce contenu vous a été utile ?